"Comme chiens et chats"

WILL & GRACE

Girl Trouble - Comme chiens et chats

Episode 3x04
Date de diffusion originale: 26/10/2000
Ecrit par Alex Herschlag
Dirigé par James Burrows
Transcript par Cecile

 

Grace Adler Designs. WILL est assis au bureau de KAREN et lit un texte à GRACE.

WILL: Et je pense conclure en disant: "Puisse ce jour marquer le début de nouvelles relations empreintes de respect mutuel entre la police de New York et la communauté gay." Et là, applaudissements, et une séance de questions-réponses, qu'on appelle Q & R.

GRACE, levant la main d'un air amorphe: J'ai une question Q. Est ce que tu as la réponse R?

WILL: Tu me connais, tu sais que pour les Q je ne manque pas d'R.

GRACE: Ton texte manque de chaleur. Pourquoi tu ne fais pas plutôt un sketch comique?

WILL: Un sketch? Grace, c'est un séminaire de sensibilisation à la cause gay, c'est sérieux; et tu veux que je fasse le pitre devant une pièce pleine de flics? Je suis pas folle.

GRACE: Tu pourrais appeler ça "une fable d'aujourd'hui".

WILL: Oh... ça sonne bien, ça, "une fable d'aujourd'hui". Oh oui, je vois ça d'ici: quatre gays sont dans une voiture et les flics les arrêtent.

GRACE: Ooh ooh... ils les embarquent, ils leur font une fouille corporelle dans des paniers à salade.

WILL: Euh... quoi? Qu'est ce que-

GRACE: Laisse tomber, et range ton bureau. Ma stagiaire va arriver.

WILL: Oh non... Non, Grace, non, tu n'as pas besoin d'une stagiaire... Fais-moi confiance. Nous on a eu un certain Brad - un incapable. Il passait son temps près de la machine à café à bavarder.

GRACE: Il a refusé de sortir avec toi?

WILL: Ah, je t'en ai déjà parlé?

GRACE: Gillian n'est pas du tout comme ça. On a eu une super conversation. C'est une étudiante en arts plastiques très drôle, enthousiaste... un peu moi en plus jeune.

WILL: Pourquoi, elle a un grand nez et elle est coiffée comme une queue de vache?

GRACE: Je ne me suis jamais fait refaire le nez!

WILL: Je plaisantais! (Il prend un air snob.) Chérie, tu ne reconnais pas une boutade quand il s'en présente une.

GRACE: Prends pas ton air snob.

WILL: Tu m'as dit que tu trouvais ça drôle.

GRACE: Tu étais déprimé, j'ai dit ça pour te faire plaisir. Si tu savais, je suis impatiente de la voir arriver. Je ne sais pas ce que c'est, mais il y a un je-ne-sais-quoi chez cette fille qui me plait énormément.

(GILLIAN, la nouvelle stagiaire de GRACE, entre.)

GILLIAN: Oh Seigneur. Vous êtes Grace Adler.

GRACE: Oui.

GILLIAN: Enchantée, je suis Gillian.

GRACE: Bonjour Gillian.

GILLIAN: Dans cette situation, les compliments s'imposent pas vrai? Je vous adore, j'adore ce que vous faites, je vous adore vous et ce que vous faites. Je crois que j'ai mis assez de cirage. Je vous adore et j'adore tout ce que vous faites.

WILL, à Grace, avec son accent snob: Oh non, je n'ai pas la moindre idée de ce qui te plaît chez elle.

GILLIAN, à Will: Excusez moi, on ne se connaît pas, mais votre air snob n'a rien de drôle.

 

 

<OPENING CREDITS>

Avec:

Eric McCORMACK: Will TRUMAN

Debra MESSING: Grace ADLER

Sean HAYES: Jack McFARLAND

Megan MULLALLY: Karen WALKER

Natasha LYONNE: Gillian

Suzanne KRULL: Terry

Henriette Mantel: Annie

Louis D. GIOVANNETTI: Lieutenant Laqueue

Christopher DARGA: Agent

 

 

Appartement de WILL. Celui-ci fait lire à JACK son sketch.

WILL: Bon, tu vois, j'ai voulu mettre en lumière les problèmes rencontrés par les homosexuels quand ils ont affaire à la police. Et, ne sois pas trop dur avec mon texte, hein, s'il te plaît. Quand tu me diras ce que tu en penses-

JACK, le coupant, jetant le script par terre: C'est nul, ça mérite zéro. C'est bon pour la poubelle et puis c'est tout. Mets ce torchon dans un sac poubelle et débarrasses-t'en. La poubelle. (Il épelle:) P-O-U-B-E-L.

WILL: De la part d'une ordure, c'est un compliment, non?

JACK: Will, c'est froid c'est sec y'a pas d'âme. Les personnages sont injouables. Injouables!

WILL: Bon, tant pis. Je trouverais bien quelqu'un pour faire le beau devant 50 New Yorkais sexy en uniforme.

JACK: Bon, pour toi je ferai un effort. Oui, j'ai quelques réserves sur le texte, mais je peux arranger ça. Si on peut changer les préjugés d'une seule personne sur les homosexuels-- par Sodome et Gomorrhe, y'a des lesbiennes là dedans!

WILL: Par Martina Navratilova, voui, c'est exact.

JACK: Oh, par pitié Will, pourquoi tu ne les remplaces pas par des garçons? Personne ne verra la différence! Euh... comme Shakespeare quand il y avait des lesbiennes dans ses scénarios.

WILL: Oui... rappelle-toi l'assemblée de profs de gym homos dans MacBeth. Depuis quand es-tu devenu aussi intolérant?

JACK: Eh. Y'a pas une seule partie de moi qui ne soit anti-lesbiennes. Enfin peut-être une. Crois-moi, j'ai vraiment envie de jouer dans cette histoire. Qui jouent les personnages?

WILL: Nos amies qui vendent des cerf-volants, Terry et Annie.

JACK: Starsky et Hutch?! Ces gouines me détestent!

WILL: C'est vrai? Oh ben pourtant tu leur as donné des surnoms adorables. (Quelqu'un frappe à la porte.) Voilà les filles. S'il te plaît sois gentil.

JACK: Oh mais je le suis toujours - t'es payé pour porter ce chemisier? - fais-les entrer.

(WILL ouvre la porte et les filles rentrent.)

TERRY: Oh, bonjour.

WILL: Bonjour.

TERRY: On ne savait pas quel cadeau apporter à un séminaire de sensibilisation à la cause gay...

ANNIE: Donc voici un cactus.

(Elle le donne à WILL, alors que JACK les regarde d'un air suspicieux.)

WILL: Eh bien c'est parfait. Cadeau traditionnel.

TERRY, à Will: Evite de t'asseoir dessus.

ANNIE, à Jack: Même pour faire joujou.

 

CUT TO:

Grace Adler Designs. GRACE et GILLIAN examine un dessin. Elles sont habillées exactement pareil, en veste noire, avec un béret noir sur la tête.

GILLIAN: Alors?

GRACE: C'est vraiment très bien, qu'est ce que c'est?

GILLIAN: Des esquisses que j'ai faites pour l'appartement de mon ex.

GRACE: J'aime beaucoup. Ton ex devrait adorer. Oui, mais pourquoi tous ces miroirs?

GILLIAN: Pour qu'il voit à quel point il a besoin de faire du sport sous tous les angles.

GRACE: Je comprends. Tu peux sans doute faire quelques petites retouches avant la version définitive.

GILLIAN: D'accord, j'y vais. Euh... je me demandais si je pouvais vous regarder travailler, j'aimerais bien voir comment vous procédez.

GRACE, flattée: Oh. Oui, pas de problème. (Elle prend un crayon et commence à faire des esquisses avec des mouvements excessifs.) Oh. (Elle va composer un numéro sur le téléphone à côté de GILLIAN.) Allô, Mr Sanderson s'il vous plaît.

GILLIAN, chuchotant: Vous voulez que je vous laisse seule?

GRACE, chuchotant elle aussi: Non, tu peux rester. (Elle parle dans le récepteur:) Mr Sanderson, Grace Adler, bonjour. Quelle est la soupe du jour? Nouvelle Angleterre ou Manhattan? Oh. (Elle raccroche.) C'est la Manhattan.

GILLIAN, dégoutée: Eurh.

GRACE: Je sais. OK... j'ai deux ou trois coups de fil à passer pour la nouvelle maison des Flebott, tu veux m'aider?

GILLIAN: Oh, avec plaisir; mais de toute façon je vais vous dire que je vous trouve géniale.

GRACE: C'est toute l'aide que je te demande.

(GRACE sort de la pièce pour aller chercher une planche. KAREN entre alors que GILLIAN est placée dos à celle-ci.)

KAREN: Grace, tu sais ce que je pense des bérets. (GILLIAN se retourne et regarde KAREN, qui elle ne la regarde pas, sans rien dire.) Même Patty Hearst avait l'air minable, pourtant elle avait du pognon et un flingue. (GRACE revient avec sa planche et vient à côté de GILLIAN, toutes les deux regardant KAREN. Celle-ci lève enfin les yeux et quand elle voit les deux filles elle se couvre les yeux avec son bras.) Oh, misère, je suis cernée maintenant vous êtes quatre!

GILLIAN, avançant vers Karen, lui tendant la main: Euh... bonjour, je m'appelle Gillian. Ravie de vous connaître. Vous êtes décoratrice?

KAREN, ne la regardant pas, ne lui serrant pas la main non plus: C'est quoi? Ca parle? Qu'est ce que c'est? Que se passe-t-il?

GRACE: Karen, voici - voici Gillian.

KAREN: Euh...

GRACE: Tu te rappelles, notre stagiaire première de sa promo? Elle va rester avec nous deux semaines.

KAREN: Euh, non, je vois pas, désolée, donne-moi des indices, euh?

GRACE: Comment ça des indices? Elle est juste devant toi.

GILLIAN, s'avançant très près de Karen, prenant une voix moqueuse: Bonjour...

KAREN, à Gillian, qu'elle repousse avec un doigt sur son nez: OK. Règle numéro 1: à moins que tu ne sois un verre de gin, tu ne t'approches pas à moins d'un mètre de mes lèvres d'accord? (Elle place un doigt à un vingtaine de centimètres de sa bouche.) Tu vois mon doigt, là, tu le vois? C'est la limite absolue.

GILLIAN, à Grace, alors que Karen s'installe tranquillement à son bureau: Ca lui arrive de mordre?

GRACE, riant nerveusement, entraînant Gillian vers son bureau: Oh non, mais on ne sait jamais, viens par ici; des fois qu'elle se démette la mâchoire pour t'avaler cul sec.

 

CUT TO:

Appartement de WILL. JACK, TERRY et ANNIE répètent le sketch de WILL sous la surveillance de celui-ci, qui lit les paroles tout bas en même temps qu'ils les déclament.

TERRY: "Monsieur l'agent, j'espère que vous comprenez; nous voulons être traitées comme n'importe quel autre citoyen."

ANNIE: "De manière équitable."

JACK: "Je comprends. J'ai appris une bonne leçon aujourd'hui. Tout être humain mérite d'être traité avec respect, même d'obscures lesbiennes de seconde zone."

ANNIE: J'en ai assez.

WILL: Jack, tu es à deux doigts de perdre ton futur grand rôle.

JACK: Quoi? Mais c'est la réplique, c'est ce qui est écrit là!

(Il pointe le script.)

WILL: Oui, mais c'est toi qui vient de l'écrire, avec ton rouge à lèvres!

JACK: Au moins moi j'en porte.

(Il regarde TERRY et ANNIE avec des yeux exorbités alors que WILL se frotte les siens, pas loin d'exploser.)

TERRY: Je ne trouve pas ça drôle.

JACK: Forcément, avec le peu d'esprit que vous avez!

WILL, le frappant: Mais tu vas te taire?!

ANNIE: Oh, cette fois la coupe est pleine.

TERRY: Oui, ça suffit, désolée Will, mais ton copain est le dernier des idiots.

JACK: Pas assez idiot pour coucher avec des filles!

(TERRY et ANNIE se dirigent vers la porte mais WILL les rattrape.)

WILL: Attendez attendez attendez- ne partez pas tout de suite. Je vais lui parler, laissez moi une minute. (ANNIE hoche de la tête. WILL part vers la cuisine, attrapant JACK au passage.) Viens.

JACK: Aouh.

WILL: Je- je suis choqué.

JACK: Moi aussi. La grosse vache joue comme un fer à repasser.

WILL: Sache que tu es actuellement la personne la plus grossière de l'immeuble. Et j'inclue l'obsédé au peignoir du dessus avec ses grosses fesses flasques.

JACK: Cite moi une chose que je n'aurai pas dû dire.

WILL: Oh-oh-oh une-une seule chose? Ok, attends. Tu ne les as pas une seule fois appelées par leurs prénoms. Tu t'adressais à elles en disant "Monsieur" ou "Señor". Tu as fait "boooo", tu as ricané, chanté des chansons idiotes.

JACK: Et alors?

WILL: Et tu as aussi raconté cette blague à propos d'un restaurant mexicain et de ses serveuses, que je n'ai toujours pas saisi. Je- je pourrais essayer de faire appel à ta sensibilité mais je crois que tu es trop macho pour ça. Essayons une autre tactique. Je vais te lancer un défi en tant qu'acteur.

JACK: Alors Jack t'écoute. Prendrais-tu mon art au sérieux, à présent?

WILL: Je veux que tu essaies de jouer un homme qui ne soit ni blessant ni méprisant avec les lesbiennes.

JACK, d'un air dramatique et inspiré: Ce sera le rôle le plus difficile de ma jeune carrière. Mais j'ai foi en mon talent. Essayons. Parlons du personnage. Peut être... peut être que je suis un ami des lesbiennes, un grand homme d'affaire avec une cicatrice sur le visage. Peut être... que je possède une décapotable avec une capote trouée. Peut être... peut être bien que je suis un Dieu du sexe, un Dieu vivant.

WILL, prenant le même ton que Jack: Peut être que tu as une tumeur au cerveau.

JACK: Peut être, en effet. Je suis prêt. (A TERRY et ANNIE:) Mesdames, reprenons depuis le début.

TERRY: OK. Mais sache une chose: une seule remarque déplacée et nous partons.

JACK: Je comprends. Veuillez excuser ma grossièreté, mais je... j'ai des problèmes de capote. (WILL lève la tête, interpellé, et TERRY et ANNIE se regardent.) Prenez vos places...

 

CUT TO:

Grace Adler Designs. GRACE et GILLIAN y sont, habillées différemment cette fois-ci.

GRACE, toute excitée: Pose ton carnet à dessin, j'ai une petite surprise pour toi. Aujourd'hui nous allons apprendre à recouvrir des murs avec du tissu d'ameublement. "Quoi? Mais c'est moche, c'est une affamie, ce n'est pas possible!" Oh, mais que si.

GILLIAN: Ah ah. Cool, cool. Elle arrive à quelle heure, Karen?

GRACE: Oh, tu apprendras à ne pas poser cette question. On est toujours déçu par la réponse, surtout quand enfin Karen apparaît.

GILLIAN: Vous la connaissez bien? D'où elle sort?

GRACE: Je crois qu'au lieu de naître dans une rose, elle est née dans un seau à champagne.

GILLIAN: Y'a un truc qu'est vraiment marrant, on dirait qu'elle vit en plein délire.

GRACE: En plein délire éthylique.

GILLIAN: Euh... hier, elle m'a envoyé dans les endroits les plus classes de New York. Elle m'a envoyée chez Tiffany, chez Barney... et chez le toiletteur pour chien pour faire enlever le gris de son caniche. Mais ils ont pas pu, parce que... euh, c'est un vrai caniche gris.

GRACE: Je suis désolée. Tu ne devrais pas faire ses courses.

GILLIAN: Oh non non non, j'ai adoré. Quand j'ai prononcé son nom, les employés se sont mis à me faire de la lèche, on m'a offert du champagne, un assistant personnel et de l'aspirine. J'ai trouvé ça super!

GRACE: Tu sais ce qui se passe quand tu prononces mon nom au Marché Aux Tissus? Tu gagnes un verre de menthe à l'eau et mon pote Misha te fait un bisou baveux.

KAREN, qui entre, portant un sac contenant sans aucun doute la raison de son retard (shopping!): Bonjour trésor. Je suis en retard, je n'ai pas arrêté de courir, mais, ça avait un rapport avec le travail.

GRACE: Tu faisais du shopping. Quel rapport avec le travail?

KAREN: Mmh, trésor, j'évitais le travail, voilà le rapport; s'il te plaît, fais un effort, ça flotte, là-haut.

GILLIAN: Alors, Karen, vous avez acheté quoi?

KAREN: Boh, juste un manteau. (Elle le sort.) Mais il me plaît plus.

GRACE: Regarde, Gillian; je ne voulais pas le montrer tout de suite, mais... que penses-tu de cette salle de bain? (Elle brandit son carnet de croquis sur lequel est dessinée une ébauche de salle de bain.) Le Maroc rencontre... le plastique. "Quoi? OK, cette fois vous avez passé les bornes!"

(GILLIAN fait un sourire gêné et se retourne vers KAREN.)

KAREN: Trésor, tu le veux?

GILLIAN: Quoi? Oh mon Dieu, vous êtes sûre?

KAREN: Mm-hmm.

(Elle tend le manteau à GILLIAN qui le touche.)

GILLIAN: Wow, c'est doux, c'est doux!

KAREN: Tu parles, c'est du poil de chaton!

(KAREN mime le mouvement de patte d'un chaton qui se lave.)

GILLIAN: Il est magnifique. Merci mille fois, Karen.

(Le téléphone sonne. Plusieurs fois.)

GILLIAN et KAREN, à Grace: Trésor, tu réponds?

 

<PUB>

 

CUT TO:

Grace Adler Designs. Probablement le jour suivant, puisque GRACE n'a pas les mêmes vêtements.

GRACE, au téléphone: Non, ma stagiaire n'est pas encore là, elle devrait arriver d'une seconde à l'autre. Enfin bref, je suis contente que le plancher en liège vous plaise; c'est formidable, vous verrez, et tellement pratique. Quelques conseils: évitez de marcher dessus, pas de meubles lourds, pas trop de lumière, et si possible pas d'enfants avant au moins cinq ans. Je vous en prie.

(Elle raccroche le téléphone et regarde sa montre. KAREN et GILLIAN entrent, habillées et coiffées de la même manière, toutes deux fumant une cigarette.)

GILLIAN, à Karen: J'ai adoré ce repas, trésor.

KAREN: Trésor, moi aussi.

GILLIAN: Trésor t'as rien mangé.

KAREN: L'olive du cocktail.

GRACE: Gillian. Ah, c'est gentil de faire une apparition. J'allais remplir ta fiche d'évaluation. A ton avis, je mets quoi à ponctualité? Je m'apprêtais à ajouter un chèque, mais je crois qu'il serait plus approprié de t'offrir une montre.

GILLIAN: Ecoutez, j'ai une excuse. Nous avons fait un déjeuner liquide aux Quatres Saisons.

GRACE: Gillian, mets-toi au boulot.

GILLIAN: Ah, trésor, non, je vais me faire faire un masque aux cellulles de boeuf. Et, à propos, cette couleur, orange, vous êtes sûre que ça vous sied? Tchao les filles!

KAREN: Elle est très bien, cette petite. Très professionnelle.

(Elle gobe une pilule avec de l'eau.)

GRACE: Karen, je n'ai aucune envie de te parler, j'ai du travail.

KAREN: OK.

GRACE: Tu veux bien taire? Mais... bon sang, où est passé mon croissant? Karen? Karen!

KAREN: Trésor, tu m'as dit de me taire.

GRACE: Où est mon croissant jambon-fromage?

KAREN: Ooh, dans le sac en papier, ce vieux truc graisseux? Je l'ai mis à la poubelle.

GRACE: Tu l'as mis à la poubelle?

KAREN: Des pattes commençaient à lui pousser!

GRACE, faisant un petit saut indigné: Oh. Super! Super! Tu sais quoi? Tu devrais balancer tout ce qui m'appartient. "Salut. Karen Walker. Je balance tout ce qui me tombe sous la main. Quand ça ne cadre pas avec ma vie eh bien je m'en débarrasse."

KAREN: Trésor, tu veux un autre croiss-

GRACE: Ils ne les vendent que jusqu'à 11 heures! Seigneur, ma journée est complètement fichue. Ma semaine est fichue. Je vais bientôt déposer le bilan et tout ça est de ta faute.

KAREN: Quoi?!

GRACE: On pourrait faire de la purée avec le point noir que t'as sur le nez!

(Elle sort, laissant KAREN bouche bée et au bord des larmes.)

 

CUT TO:

Le commissariat de police. TERRY, ANNIE, WILL et JACK entrent, attendant le début du séminaire. Il y a pas mal de policiers.

TERRY: J'ai le trac.

ANNIE: Moi aussi.

WILL, à Jack: Eh. Je voulias te dire, t'as été super avec Terry et Annie.

JACK, prenant une voix éraillée, plutôt désagréable: Je fais ce que je fais car je suis ce que je suis.

WILL: C'est quoi cette voix?

JACK, prenant toujours la même voix: C'est la voix que j'ai trouvée pour mon personnage, vois-tu.

WILL: Eh bien, Angela Lansbury voudrait que tu lui rendes. Tu joues un flic. Parle normalement!

JACK: Mais... c'est comme si tu me demandais de sortir de mon personnage!

WILL: Tant mieux pour lui.

OFFICIER: S'il vous plaît messieurs, nous allons commencer. Veuillez vous asseoir. OK. Bienvenue au stage d'aide aux femmes victimes de mauvais traitements.

WILL: Euh... non, monsieur l'agent, nous on est-

OFFICIER: Ah oui c'est vrai. Désolé. Aujourd'hui on se fait les gays. Accueillons-les chaleureusement.

(Ils applaudissent tandis que l'agent va s'asseoir.)

WILL: Merci, merci à tous. Euh... nous allons commencer par un sketch inspiré d'un fait divers qui a opposé les membres de notre communauté et ceux de la police; et qui illustre bien le genre de discrimination dont nous sommes les victimes.

JACK: Mais, tout d'abord, je vous demanderais de ne pas prendre de photos durant notre spectacle, car... les lesbiennes vous accuseraient de harcèlement sexuel.

ANNIE: Ah, on s'en va.

TERRY: Débrouillez-vous sans nous.

WILL: Non, non! Annie! Terry! (Elles sortent.) Jack!

JACK: Quoi?

WILL: Mais comment as-tu pu?!

JACK: Mais c'est toi qui m'as dit de laisser tomber mon personnage! L'homme d'affaire, ami des lesbiennes, avec des problèmes de capote!

WILL: Je t'ai demandé de laisser tomber ta voix de follasse.

JACK: De follasse? Où vois-tu une folle, tapette déguisée en hétéro?

WILL: Oh! Oh, oh oh! Moi, je me balade pas dans mon club de gym en collant rose fuschia!

JACK: Grace en porte bien un.

WILL: Grace est une femme, grognasse!

JACK: Ne me traites pas de grognasse! Tu t'épiles les sourcils!

WILL: Et toi le maillot!

JACK: Gonzesse!

WILL: Femmelette!

(Ils se jettent l'un sur l'autre, les agents doivent les séparer.)

AGENTS: Eh eh eh, calmez-vous, messieurs!

 

CUT TO:

Grace Adler Designs. KAREN est seule quand GILLIAN entre.

GILLIAN: Bonjour trésor.

KAREN: Bonjour trésor. Trésor, assieds-toi.

GILLIAN: Quoi? c'est quoi? Qu'est ce qu'il y a? Qu'est ce qui se passe?

KAREN: Je vais te parler franchement.

GILLIAN, s'asseyant devant Karen: OK.

KAREN: Je suis sublime, on est d'accord. Je m'habille de façon exquise, j'ai du pognon à la pelle, je suis marrante et j'ai beaucoup d'esprit; tu comprends, trésor.

GILLIAN: Euh... non, pas vraiment.

KAREN: Trésor, tu n'es pas moi. Et tu ne le seras jamais.

GILLIAN: Euh... (Elle pointe son pull.) C'est la couleur?

KAREN: En partie, oui. Bon. Tu ne seras jamais moi, mais tu as de bonnes chances de devenir Grace un jour. (GRACE se pointe à la porte, mangeant un croissant, sans se faire voir des filles. Elle reste là à les écouter.) Et tu n'aurais pas dû faire la fine bouche, il ne faut pas cracher là-dessus.

GILLIAN: Mais Grace, elle est pas comme... elle est pas comme nous!

KAREN: Bup-bup, plus un mot ou je te lave la bouche avec de la vinasse. Je ne veux pas qu'on dise du mal de mon trésor. Tu sais, Grace est une fille formidable, elle est brillante, elle a du succès, c'est la femme la plus mal habillée du monde... (GRACE lève les yeux au ciel.) Mais elle a du talent et je l'admire beaucoup. Pourquoi serais-je là sinon?

GILLIAN: Je croyais que tu voulais fuir la maison, Stan, et les enfants...

KAREN: En partie, oui. Mais je pourrais les fuir n'importe où, et j'ai choisi de la faire ici. Toi, tu es là pour apprendre. Laisse Grace être ton gourou.

GILLIAN: Eh bien, je... enfin, c'est vrai que je veux être décoratrice, plus tard-

KAREN: Mais elle aussi! Vous êtes faites pour vous entendre! (GRACE re-lève les yeux au ciel, exaspérée.) Aller, bouge tes fesses et file chez Bergdorf lui acheter un petit quelque chose pour te faire pardonner. Mais rien de rouge. (KAREN appelle l'ascenseur pour GILLIAN et va s'asseoir à son bureau.) Ni de orange. Ou de jaune, de vert, avec des rayures, des carreaux, ou des épaulettes. Et évite la fourrure, les plumes et les perles. Enfin, ça te donne une idée.

(GILLIAN entre dans la cage d'ascenseur.)

GILLIAN: Ouais. Ca me donne une idée. Est ce que j'ai encore le droit de dire trésor?

KAREN, se versant de l'eau (ou de l'alcool?) dans un verre: Quoi? Euh, non.

(GILLIAN sort et GRACE rentre.)

GRACE: Salut Karen. Je... je voulais te dire que j'ai entendu ce que tu as dit et je suis très touchée.

KAREN: Oh. Oh, trésor. (Elle se retourne vers l'ascenseur et hurle à GILLIAN:) Et évite les pois aussi!

 

CUT TO:

Le commissariat de police. JACK et WILL sont assis sur l'estrade. Le séminaire est fini.

JACK: Excuse-moi de t'avoir traité de chochotte psycho-rigide.

WILL: C'est pas grave. Excuse-moi de t'avoir traité de névrosée accro au prozac, superficielle et hystérique.

JACK: Tu n'as pas dit ça.

WILL: Parce que j'ai pas eu le temps. J'ai honte de nous. On tenait une magnifique occasion de faire tomber les préjugés et d'abattre des barrières et au lieu de ça on s'est comportés comme deux pouffiasses. On a laissé tomber notre communauté. (Ils se relèvent.) Les lesbiennes se sont tirées, bravo.

OFFICIER: Messieurs, c'était un sacré spectacle.

WILL: Je vous présente mes excuses.

OFFICIER: Des excuses? C'était très édifiant. Vous avez très bien démontré le mal que les mots peuvent faire. Vous savez, j'ai honte de l'avouer, mais... j'ai reconnu pas mal de mes collègues et moi-même dans le portrait que vous avez fait.

WILL: Eh bien, c'est le but que je poursuivais quand je l'ai écrit.

JACK: C'est le but que je poursuivais quand je l'ai joué.

OFFICIER: Je comprends. Il faut pas mal de courage et de maturité pour faire ça messieurs.

WILL: Merci. Merci beaucoup, lieutenant...?

OFFICIER: Laqueue. Lieutenant Laqueue.

(WILL et JACK essayent de réprimer un fou rire.)

 

CUT TO: (Closing credits)

Le commissariat. WILL détache ses affichettes avant de partir. Il n'y a que lui et un agent dans la salle.

AGENT: Je vous félicite pour votre spectacle. Ca m'a ouvert les yeux.

WILL: Oh, c'est gentil. On a fait de notre mieux.

AGENT: Euh... mmh. J'ai une petite question à vous poser. Je connais une personne, je crois bien que c'est un gay. Mais j'en suis pas sûr.

WILL: Un gay? Qu'est ce qui vous fait croire que c'est un gay, m'sieur le agent?

AGENT: Eh bien, il porte un short, il fait beaucoup de muscu, il a des gros biceps, des tablettes de chocolat et des cuisses dures comme l'acier.

[Bon, là mon magnéto a coupé. Mais je crois me souvenir de la fin, c'était à peu près comme ça:]

WILL: Et ses fesses?

AGENT: Rondes, jolies, bien fermes.

WILL, hochant la tête: Alors oui, je crois que cette personne est gay.

(Il se tourne et sort de la salle, non sans jeter un coup d'oeil à l'AGENT qui le détaille de le tête aux pieds.)